Touring the angel
(21/02/06 / Palais Omnisport de Paris Bercy)
On commet parfois des erreurs, influencées par certaines idées reçues. Une des principales en matière de musique est de se dire que les groupes produisant une musique électronique s'avèrent ennuyeux sur scène. En effet, quoi de pire que de voir quelques "musiciens" coincés derrière leurs laptops, cliquant à droite à gauche pour mettre en boucle quelques sons bizarroïdes ? Pourtant certains d'entre eux ont trouvé une formule plus que séduisante, c'est le cas de Depeche Mode. À part quelques sons de guitares bien sentis, la musique du groupe n'a jamais été propice à une formation de type power trio (basse, batterie, guitare), le saint Graal du concert rock'n'roll. Mais c'est sans compter avec le jeu de scène de Dave Gahan, chanteur et frontman du groupe, certainement un des meilleurs performeurs actuels. Un charisme et une présence à en faire pâlir Bono, confortablement installé dans son fauteuil de prêcheur de la bonne parole planétaire. Chez Gahan, point de prêchi-prêcha politiquement correct jouant sur un registre larmoyant. Ce type-là a des tripes, point. Il chante avec et seulement à qui veut l'entendre, pas de prosélytisme chez Depeche Mode, mais seulement un partage avec son public, nombreux et fidèle depuis des années.
Les concerts du groupe à Bercy font partie des temps forts de leurs tournées. Il fut l'un des tout premiers à remplir les 17000 places du palais en 1984. Depuis, les membres du groupe reconnaissent "qu'il se passe toujours quelque chose de spécial dans cette salle". En témoigne le DVD live tiré de la tournée d'Exciter intitulé One night in Paris.
Ce soir-là, Depeche Mode vient défendre sur scène son dernier album Playing the angel, que certains n'attendaient plus après les opus solo des deux principaux protagonistes du groupe. Pourtant le trio est au complet, soutenu justement par le clavier et le batteur qui accompagnaient chacun de leur côté les deux susnommés pendant leur tournée personnelle. Martin Gore, compositeur en chef du groupe et chanteur occasionnel, arbore, fidèle à son habitude, une tenue extravagante, ailes d'ange noir et bonnet orné d'une crête en plume. Le ridicule ne tue pas, bien heureusement, sinon Gore serait enterré mille fois à cause des ses accoutrements. Dave Gahan, toujours plus élégant, quittera malgré tout très vite veste et chemise pour nous exposer sa collection de tatouages hérités de la période Songs of faith and devotion.
À partir de là, la setlist se déchaîne, après quelques chansons du dernier opus, les classiques sonnent comme l'évidence même. A question of time, Behind the wheel, World in my eyes, Walking in my shoes, Shake the disease, Personal Jesus, Enjoy the silence. On se rend alors compte, mais fallait-il encore en douter, que Martin Gore a tout de même signé quelques-unes des plus belles pages de la pop britannique. Le public chauffé à blanc reprend en chœur les refrains au quart de tour. On se dit qu'avec une ambiance pareille, on ne peut que se transcender. C'est ce que fera la formation, peu aidée il est vrai par le troisième membre Andrew Fletcher, le seul musicien sachant jouer du clavier seulement en tapant des mains et en exhortant la foule.
Le second et dernier rappel se composera de l'indispensable Never let me down again et de l'inattendu mais touchant Goodnight lovers entonné par Gahan et Gore, tour à tour bras dessus dessous ou dos à dos. On sent alors ces deux amis de vingt-cinq ans émus et heureux, tout comme nous, pour vingt-cinq ans encore.
Retrouvez les photos du concert sur le site du photographe Philippe Noisette
Posté le 28/02/2006 |