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  Depeche Mode  
Playing the angel
(Labels)

En quatre ans, depuis la sortie de leur dernier opus, Exciter, de l’eau avait coulé sous les ponts pour le trio de Basildon. Un album solo chacun pour Dave Gahan et Martin Gore, tandis qu’Andrew Fletcher crée son label de toute pièce, Toast Hawaï (maison d’accueil des excellentes Client). C’était donc avec une certaine appréhension que l’on attendait ce nouvel album, ayant même peu d’espoir qu’il voit le jour il y a un an à peine. Pourtant le producteur Ben Hillier (collaborateur des incontournable Doves et Blur) a su remobiliser un groupe âgé de vingt-cinq ans. Fort de la réussite de son échappée solo, Dave Gahan y signe trois chansons, il y a un début à tout, même sur un onzième album studio. Pourtant celles-ci s'intègrent parfaitement à l’univers angoissant et torturé du compositeur en chef Martin Gore. Les titres attestent d’ailleurs de la noirceur des propos : A pain that I’m used to, Suffer well, The sinner in me, Damaged people ou encore The darkest star. Aussi peu d’espoir dans la nature humaine n’enlève en rien de la superbe des compositions, à l’image d’un John the revelator, sorte de blues épileptique mutant, porté par le chant charismatique d’un Gahan au sommet de ce qu’a pu faire le groupe jusqu’à maintenant. La production quitte également l’univers froid et digital de Mark Bell vers une esthétique analogique voire organique contrastant avec le souffle glacé des propos. Avec ce Playing the angel magistral, Depeche Mode se pose donc désormais parmi les derniers groupes survivant d’une new wave sur qui l’on peut encore compter longtemps.

Posté le 10/10/2005
Playing the angel

Album
Playing the angel
2005

 
  Depeche Mode  
Touring the angel
(21/02/06 / Palais Omnisport de Paris Bercy)

On commet parfois des erreurs, influencées par certaines idées reçues. Une des principales en matière de musique est de se dire que les groupes produisant une musique électronique s'avèrent ennuyeux sur scène. En effet, quoi de pire que de voir quelques "musiciens" coincés derrière leurs laptops, cliquant à droite à gauche pour mettre en boucle quelques sons bizarroïdes ? Pourtant certains d'entre eux ont trouvé une formule plus que séduisante, c'est le cas de Depeche Mode. À part quelques sons de guitares bien sentis, la musique du groupe n'a jamais été propice à une formation de type power trio (basse, batterie, guitare), le saint Graal du concert rock'n'roll. Mais c'est sans compter avec le jeu de scène de Dave Gahan, chanteur et frontman du groupe, certainement un des meilleurs performeurs actuels. Un charisme et une présence à en faire pâlir Bono, confortablement installé dans son fauteuil de prêcheur de la bonne parole planétaire. Chez Gahan, point de prêchi-prêcha politiquement correct jouant sur un registre larmoyant. Ce type-là a des tripes, point. Il chante avec et seulement à qui veut l'entendre, pas de prosélytisme chez Depeche Mode, mais seulement un partage avec son public, nombreux et fidèle depuis des années.

Les concerts du groupe à Bercy font partie des temps forts de leurs tournées. Il fut l'un des tout premiers à remplir les 17000 places du palais en 1984. Depuis, les membres du groupe reconnaissent "qu'il se passe toujours quelque chose de spécial dans cette salle". En témoigne le DVD live tiré de la tournée d'Exciter intitulé One night in Paris.

Ce soir-là, Depeche Mode vient défendre sur scène son dernier album Playing the angel, que certains n'attendaient plus après les opus solo des deux principaux protagonistes du groupe. Pourtant le trio est au complet, soutenu justement par le clavier et le batteur qui accompagnaient chacun de leur côté les deux susnommés pendant leur tournée personnelle. Martin Gore, compositeur en chef du groupe et chanteur occasionnel, arbore, fidèle à son habitude, une tenue extravagante, ailes d'ange noir et bonnet orné d'une crête en plume. Le ridicule ne tue pas, bien heureusement, sinon Gore serait enterré mille fois à cause des ses accoutrements. Dave Gahan, toujours plus élégant, quittera malgré tout très vite veste et chemise pour nous exposer sa collection de tatouages hérités de la période Songs of faith and devotion.

À partir de là, la setlist se déchaîne, après quelques chansons du dernier opus, les classiques sonnent comme l'évidence même. A question of time, Behind the wheel, World in my eyes, Walking in my shoes, Shake the disease, Personal Jesus, Enjoy the silence. On se rend alors compte, mais fallait-il encore en douter, que Martin Gore a tout de même signé quelques-unes des plus belles pages de la pop britannique. Le public chauffé à blanc reprend en chœur les refrains au quart de tour. On se dit qu'avec une ambiance pareille, on ne peut que se transcender. C'est ce que fera la formation, peu aidée il est vrai par le troisième membre Andrew Fletcher, le seul musicien sachant jouer du clavier seulement en tapant des mains et en exhortant la foule.

Le second et dernier rappel se composera de l'indispensable Never let me down again et de l'inattendu mais touchant Goodnight lovers entonné par Gahan et Gore, tour à tour bras dessus dessous ou dos à dos. On sent alors ces deux amis de vingt-cinq ans émus et heureux, tout comme nous, pour vingt-cinq ans encore.

Retrouvez les photos du concert sur le site du photographe Philippe Noisette

Posté le 28/02/2006
Touring the angel

Concert
Touring the angel
2006

 
© Jean-Sébastien Zanchi